Un département entier de sol naturel, soit quelques 600.000 hectares, disparaît tous les sept ans par l’étalement urbain, à cause de la construction incessante de nouveaux logements, de grandes infrastructures routières (ponts, contournements routiers, autoroutes, etc) et de consommation (surfaces logistiques, entrepôts, grandes surfaces, etc).
Le rythme de cette artificialisation continue également à augmenter (Ademe), alors que nous en connaissons bien aujourd’hui les très importantes conséquences écologiques et sociales.
Un objectif Zéro Artificialisation Nette (ZAN) d’ici 2050 a été fixé dans la loi en 2021, mais sa réalisation nécessite des moyens humains, techniques et financiers supplémentaires, et surtout une réelle réflexion collective et démocratique sur les besoins sociaux auxquels accorder le foncier encore disponible.
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🏗️ Qu’est ce que l’artificialisation des sols ?
L’artificialisation des sols est l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, ce qui va de la transformation d’un espace naturel en un espace agricole en monoculture intensive, jusqu’à l’imperméabilisation totale de cette terre par la construction d’un parking goudronné.
Cette question de l’artificialisation des sols est intimement liée à la notion d’étalement urbain, qui est l’augmentation de la superficie d’une ville, et la diminution de sa densité de population. Ce phénomène est le résultat de politiques d’aménagement qui ont poussé le modèle pavillonnaire, le développement des zones commerciales périphériques, de grandes infrastructures de transport etc.
Ainsi, entre 2000 et 2016, la croissance des surfaces commerciales en France a ainsi été de 3 % par an alors que le PIB n’a augmenté que de 1,5 %, et le taux de croissance de l’artificialisation a été 3,7 fois plus important que la croissance de la population depuis 1981 (via H&B).
Cette urbanisation croissante ne concerne pas seulement les grandes agglomérations bien qu’elle ne touche pas les territoires de manière homogène. Les petites et moyennes villes, les bourgs et villages connaissent souvent cette situation avec encore plus d’acuité créant un effet de désertification des centres au profit de la périphérie.
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🏗️ Mais quels sont les impacts de ces politiques d’artificialisation des sols ?
> Un des premiers aspects de l’artificialisation des sols vient du fait qu’un sol artificialisé n’absorbe plus le CO2 et participe donc à la hausse du réchauffement climatique. Selon EFESE (2019), la poursuite des tendances actuelles en matière d’artificialisation jusqu’en 2050 pourrait conduire à un déstockage équivalent à 75% des émissions totales de 2015 (Ademe).
Tout cela sans compter les émissions de gaz à effet de serre liées au développement des transports avec l’étalement urbain, à la surconsommation par le développement de centres commerciaux etc.
> L’artificialisation des sols induit par ailleurs une destruction et une fragmentation des habitats naturels, ce qui a un impact direct sur la diversité biologique : on observe ainsi une homogénéisation (espèces similaires qui supportent les espaces artificialisés et/ou fragmentés) et une diminution de la biodiversité.
> Par ailleurs, l’artificialisation altère les propriétés écologiques complexes et fondamentales des sols qui rendent des services essentiels aux organismes vivants comme la rétention et la fourniture de nutriments aux organismes vivants ou la rétention et la circulation de l’eau. Cet imperméabilisation des sols a pour conséquence directe une augmentation du risque d’inondation et de notre vulnérabilité face au dérèglement climatique.
> De plus, l’étalement urbain et l’artificialisation des sols participent à la consommation d’espaces agricoles, pourtant essentiels à la production alimentaire durable : l’urbanisation se fait ainsi à 70 % au détriment des terres de très bonne qualité (INRA) !
> Enfin, l’artificialisation des sols et plus globalement les politiques d’aménagement des territoires peuvent accroître les coûts de transport pour les ménages. L’étalement urbain conduit ainsi à l’augmentation du temps de transport, peut être corrélé à une absence de transports en commun, peut aussi augmenter les coûts liés à l’achat, à l’entretien de la voiture, au carburant.
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🏗️ Quelles sont les contraintes législatives et réglementaires en place ?
> La loi climat et résilience votée en 2021 fixe deux objectifs majeurs pour lutter contre l’artificialisation des sols :
➡️ une division par deux du rythme de consommation d’espaces naturels et forestiers entre 2021 et 2031 par rapport à la période de dix années précédente ;
➡️ puis la poursuite de cette réduction jusqu’à l’atteinte en 2050 du Zéro Artificialisation Nette (ZAN).
> Concernant les grandes surfaces, si celles-ci sont concernées par la loi, de nombreuses dérogations et limites existent :
➡️ Malgré une demande ferme de la part de la Convention Citoyenne pour le Climat, la loi climat n’interdit pas la construction d’entrepôts logistiques en zones non-artificialisées et ne reprend pas d’objectif chiffré de réduction de l’artificialisation puisque celle-ci peut faire l’objet de compensation (via la renaturation par exemple).
➡️ La loi fixe un principe général d’interdiction de création de nouvelles surfaces commerciales qui entraînerait une artificialisation des sols. Mais par dérogation, la commission départementale d’aménagement commercial pourra, à titre exceptionnel, et sous la réserve qu’aucun foncier déjà artificialisé ne soit disponible, autoriser un projet d’une surface de vente inférieure à 10 000 m². Un seuil bien trop élevé puisque 80% des projets de zones commerciales font moins de 10 000 m².
> La mise en œuvre des objectifs inscrits dans la loi est faite par les collectivités territoriales qui ont jusqu’à 2027 pour adapter leurs documents d’urbanisme selon le calendrier suivant :
📅 22 août 2026 : tous les schémas de cohérence territoriale (SCOT) doivent être modifiés et doivent entrer en vigueur en intégrant l’objectif ZAN ;
📅 22 août 2027 : tous les PLU et cartes communales doivent être modifiés et doivent entrer en vigueur en intégrant l’objectif ZAN.
Les collectivités territoriales manquent toutefois de moyens humains et techniques pour mener à bien ces objectifs (voir la fiche Financement de la transition locale).
> Enfin, le détricotage du droit de l’environnement est une préoccupation majeure et nous avons besoin de lois de protection de l’environnement ambitieuses pour encadrer l’activité économique du pays en cohérence avec les enjeux de préservation de l’environnement.
On observe notamment une régression globale de la protection de l’environnement en ce qui concerne les projets industriels (Installations Classées pour la Protection de l’Environnement), notamment au travers de l’adoption de la loi ASAP en décembre 2020 visant à réduire le nombre de projets, plans, programmes soumis à évaluation environnementale, ou à donner plus de prérogatives au préfet pour pouvoir déroger aux exigences environnementales.
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🏗️ Quelles sont les principales causes de l’artificialisation ?
> Les logements représentent le premier facteur d’artificialisation en France, toute méthode confondue, et surtout les habitats individuels (Ademe).
👉 Cela s’explique par la faible densification des nouvelles constructions, et le développement des logements individuels – et notamment des résidences secondaires ou occasionnelles – encouragé par les politiques publiques à la construction de logements neufs (Comité pour l’économie verte).
Malgré cela, nous faisons face aujourd’hui à une importante crise du logement accessible à toutes et tous : l’artificialisation encore possible des terres doit donc être réservée à la construction de logements sociaux.
> Les infrastructures de transport sont le second facteur d’artificialisation des sols, elles représentaient 28 % des surfaces artificialisées en 2014 (INRA).
> Deux autres secteurs sont fortement responsables de l’artificialisation et sont souvent regroupés sous le terme “d’activité” ou “activité économique” : ce sont les infrastructures de services et de loisirs (commerces, services marchands, équipements de loisirs etc.) et les infrastructures industrielles et de construction (équipements industriels, chantiers et activités de construction etc.).
La France est notamment le 6ème pays européen pour l’importance des zones industrielles ou commerciales sur les surfaces nouvellement artificialisées (Source).